Depuis #MeToo, un certain féminisme voit en la femme non plus un sujet libre de son désir mais un être fragile soumis aux injonctions du patriarcat que l'on rend responsable de sa condition. Est-ce là un progrès ? Loin des mobilisations pour le droit de vote, pour la liberté et pour l'égalité sexuelles, qui faisaient le cÅ?ur du féminisme d'émancipation, ce nouveau féminisme méconnaît également la complexité, pour tous, de la relation sexe/genre, et donc celle du trajet de sexuation, toujours marqué par d'énigmatiques...
1421 suit les traces de Zheng He, l'amiral chinois du XVe siècle qui, à la tête de sa flotte, aurait découvert l'Amérique 70 ans avant Christophe Colomb, l'Australie 350 ans avant Cook, et réussi le tour du globe un siècle avant Magellan. Gavin Menzies déroule l'histoire à la manière d'un roman policier, où l'on suit les balbutiements de la navigation astrale dans l'hémisphère sud et l'avancement incroyable de la technique maritime orientale juste avant le grand isolement chinois. 1421 est une enquête au long cours qui finit par nous apprendre une vérité commodément oubliée depuis plus de 500 ans : les grands navigateurs européens n'étaient sans doute que des nains juchés sur les épaules des géants asiatiques qui les avaient précédés.
Tandis que l'Europe commémorait les 30 ans de la Chute du Mur, avec des amies originaires d'ex pays de l'Est, nous avons eu l'idée de créer ensemble une série de textes courts proposant un panorama de nos jeunesses de l'autre côté du Mur. L'imaginaire occidental sur ce qu'a été ce monde disparu est très empreint de ce qu'ont donné à entendre les dissidents des années 1950, 1960, 1970 : l'absence de liberté, l'empêchementâ€- Sans nier les pans sombres de cette histoire, il y a aussi, peut-être, une autre histoire à mettre en lumière: celle de l'égalité inscrite dans la loi et souvent dans les faits, celle de l'égalité salariale et d'accès à l'emploi, celle de l'accès à l'avortement plusieurs décennies avant beaucoup de pays de l'Ouest, celle des mythologies communistes construites sur des figures de femmes combattantes... qui ont inspiré nos parcours et nos engagements dans les pays où nous avons choisi de vivre.
La notion d'extrémisme est une notion confuse. Censée permettre une classification, elle est surtout une diabolisation de l'adversaire. Mais ce terme polémique oublie souvent de décrire ce qu'il considère comme le Mal absolu. Il faut donc s'efforcer de dissocier, dans le discours politique, les réactions passionnelles et les réflexes idéologiques des menaces objectives, ce qui n'est guère facile. Les incarnations de la condamnation pour extrémisme sont nombreuses - « radical », « ultra- », « fasciste », « populiste » - et permettent souvent à peu de frais de s'exonérer de la description politique elle-même.Pour reconstruire la catégorie d'extrémisme et la rendre opératoire dans l'analyse des attitudes et des comportements politiques contemporains, il faut supposer l'existence d'une connexion entre trois composantes :
1° la légitimation de la violence comme méthode de résolution des problèmes politiques ;
2° l'intolérance et le sectarisme ;
3° le fanatisme, impliquant l'intransigeantisme, le manichéisme et le jusqu'au-boutisme, qui supposent de placer la défense de la Cause au-dessus de tout.
Alors peut-être pourra-t-on redéfinir un horizon politique désirable par-delà les extrémismes en tout genre qui brident nos libertés. Car on devrait pouvoir concevoir des limites légitimes et respectables en sortant du cercle des extrémismes.
La bible de l'élégance masculine parisienne. Écrit par le gentleman parisien par excellence, dont la présence active sur la toile a influencé des centaines de milliers de passionnés de mode masculine à travers le monde. Plus de vingt-cinq des plus grandes marques de luxe, avec des photographies exceptionnelles et inédites. Un rare aperçu de l'héritage et du patrimoine des grandes marques, mais aussi des meilleurs artisans du monde, du tailleur au fabricant de chemises, en passant par la confection de chaussures, la maroquinerie, la parfumerie, les malletiers, lunetiers, etc.
Belgrade, années 1970. Milena, une jeune scénariste, entame une relation épistolaire avec Sam, l'un des deux Américains qu'elle a rencontrés lors d'un séjour à Paris. Berlin, années 1930. Clara, fille unique d'un couple d'avocats juifs et Lily, sÅ?ur aînée d'une famille ouvrière, se rencontrent et tentent de s'aimer. France, 2020. En plein confinement, une romancière parisienne endeuillée reçoit une cantine remplie des lettres de Milena. Sonia RistiÄ?, par son talent de conteuse, noue pour le lecteur les liens translucides qui traversent les siècles. Liens d'amour, liens de folie, liens de liberté farouche, liens d'écriture ou de création. Elle recrée ce que la mémoire et le temps ont effacé. Dans cette Chambre à soi moderne, elle tisse un fil entre ces femmes mues par leur indépendance, leur créativité et leur fière détermination à vivre un amour qui soit à la hauteur de leur liberté.
Que désigne-t-on par l'anglicisme « cancel culture » ? S'agit-il seulement d'une « culture de l'effacement », selon la francisation recommandée par l'Académie française ? L'histoire de la cancel culture depuis son émergence dans les mouvements progressistes américains de défense des minorités, mise en perspective dans une histoire plus large de la censure des opinions et des oeuvres, permet de comprendre les dangers qui menacent aujourd'hui, en France, le débat d'idées et l'art. L'expression « cancel culture » peut bien avoir un usage polémique, elle n'en décrit pas moins une réalité : celle d'une culture de la censure qui est en train de s'instaurer sous nos yeux au nom des meilleures intentions.
HAND est une histoire de mains, une histoire de rencontres. La main que l'on tend, touchante et touchée, au centre de toutes les communications. Elle est sans doute l'un des symboles les plus anciens utilisés par l'humanité. HAND est une galerie de portraits réalisée au rythme de rencontres exceptionnelles. Des portraits intimes, des images, des empreintes où chacun met en scène ses propres mains sous les lumières, souvent pour la première fois, et prend ainsi le temps et le recul de se découvrir dans cet étrange miroir.
Qu'est-ce qu'une idéologie ?
Entre savoir et croyance, les idées qui constituent notre environnement mental ont une pertinence politique.
Le cadre de pensée qui surgit aujourd'hui semble remettre radicalement en cause « le monde d'avant ». Déconstruction du réel, post-humain, nouvelles identités dites « de genre », « décolonialisme » sont quelques-uns des thèmes où l'on voit à l'oeuvre des ambitions utopiques d'inspiration marxiste transposées dans les moeurs. La volonté de créer un « homme nouveau », la déconstruction de la nation et de la citoyenneté remettent en cause une démocratie qui dépend soudain de sa validation par les médias et les réseaux sociaux. Sous le manteau d'un anti-pouvoir, ce sont bien de nouveaux pouvoirs totalitaires qui émergent de manière incontrôlée. Avec la précision méthodologique du sociologue, Shmuel Trigano analyse comment ces différentes configurations idéologiques s'articulent en un tout cohérent et reflètent les intérêts d'une base sociale. L'enjeu : cartographier le postmodernisme comme forme de pensée qui échappe à notre conscience.
Quand, au mois de mars 2020, le premier confinement s'est abattu sur la France, telle une chape de plomb sur nos existences, un étrange phénomène s'est produit dans le quartier de Belleville Ménilmontant, au nord-est de Paris. Cela s'est passé dans une résidence composée de lourds immeubles des années 1960 séparés par de grands espaces verts : ''Le Pressoir''.
Alors que partout dans le pays ce mot hideux de «distanciel» s'est imposé dans notre grammaire collective, nous, les 2 000 habitants du «Pressoir», nous sommes retrouvés. Alors que partout le mot d'ordre était le repli sur soi, nous nous sommes découverts. Alors qu'il fallait s'auto-autoriser par attestation à sortir de chez soi, nous avons reconfiguré notre chez-nous, comme on le pouvait, sans prendre de risques inutiles face à la maladie qui, partout, guettait.
Condamnés au dedans, nous avons donc inventé notre dehors. Des petites choses. Des concerts improvisés, mêlant des musiciens professionnels et des amateurs. Des cours collectifs, sous l'arbre, pour les petits. Des leçons de sport pour les plus grands. Une entraide entre tous pour les courses alimentaires. Des petites solidarités entre générations. Des désagréments aussi, bien sûr, comme dans un village...
Et, au milieu de ce drôle de laboratoire existentiel, sorte de kibboutz urbain placé sous la cloche d'une pandémie, il y avait Magali Delporte, ''notre'' photographe, qui a saisi ces instants uniques qui ont fait du ''Pressoir'' l'un des secrets les mieux gardés de Paris.
Fabrice Arfi
En Qarabie, une petite monarchie du Moyen-Orient enrichie par les hydrocarbures, John Summerbee, professeur d'art fraîchement débarqué des États-Unis, croise la route de Qatarina, la responsable du ministère du Tourisme qarabien. Ce qui les réunit ? Une exposition exceptionnelle à la gloire de la culture qarabienne, que les étudiants de John sont chargés de concevoir en prélude à la coupe du monde de hole-ball, que la Qarabie doit accueillir bientôt. Mais à mesure que les préparatifs avancent, John et Qatarina vont se retrouver plongés au cÅ«ur d'un jeu dangereux dont ils ne maîtrisent pas les règles.
Mékong écoportrait est une immersion dans les mutations de la péninsule indochinoise.
Pendant sept mois, Martin Bertrand a parcouru l'Asie du Sud-Est, traversant le Vietnam, le Cambodge, le Laos et la Thaïlande avec le mythique fleuve Mékong comme colonne vertébrale. Il témoigne des conséquences de l'expansion des grandes mégapoles gourmandes en énergie et en ressources sur les zones rurales et en particulier sur les ressources naturelles du Mékong, déjà mises à rude épreuve par le dérèglement climatique.
En plaçant les questions environnementales au coeur de ce voyage, Martin Bertrand parvient à embrasser les enjeux les plus cruciaux pour l'avenir de la région, comme la montée des eaux dans le delta du Mékong et la modification du rythme des crues, qui mettent en péril une grande partie de la population.
D'Hô-Chi-Minh Ville à Bangkok, de Phnom Penh à Vientiane en passant par les replis les plus reculés du Mékong, c'est un territoire en mouvement que donne à voir Martin Bertrand, dans ce livre conçu comme un carnet de voyage, avec cartes et croquis, anecdotes de terrain et digressions.
"Le récit des Petites fées de New York démarre avec Morag et Heather, deux petites fées hautes de cinquante centimètres, portant épéé, kilt vert et cheveux mal teints, qui volettent par la fenêtre du pire violoniste de New-York, un type antisocial et obèse nommé Dinnie, et vomissent sur sa moquette. Qui sont-elles et comment sont-elles arrivées à New-York, et en quoi tout cela concerne-t-il l'adorable Kerry, qui vit dans l'immeuble d'en face, est atteinte de la maladie de Crohn et confectionne un alphabet des fleurs, et en quoi tout cela concerne-t-il les autres fées (de toutes nationalités) de New-York, sans oublier les pauvres fées opprimées de Grande-Bretagne, voilà le sujet du livre. Il contient une guerre, ainsi qu'une mise en scène fort inhabituelle du Songe d'une nuit d'été de Shakespeare, et des solos de guitare de Johnny Thunders des New York Dolls. Que peut-on demander de plus à un livre ?" (Neil Gaiman)
Le Ballet des retardataires est le témoignage unique d'une des rares Européennes à avoir pénétré le monde ultra fermé et traditionnel du taïko au Japon, et la première à avoir séjourné dans l'école la plus secrète et la plus fermée du Japon.
Jeune Française n'ayant jamais voyagé, elle arrive pleine de naïveté dans un monde aux règles incompréhensibles, à la discipline quasi militaire et où personne ne parle anglais. Aux entraînements, succèdent incompréhension chronique, fatigue extrême, typhons, tremblements de terre et fantômes. L'héroïne distingue de plus en plus mal la réalité du fantasme et emmène le lecteur vers cette frontière flottante où la réalité et le rêve se chevauchent.
Roman initiatique sur les transformations intérieures que peut provoquer le choc des cultures, l'héroïne s'y révèle à elle-même tandis qu'elle fait découvrir au lecteur une facette méconnue du Japon. Le Ballet des retardataires est en effet un témoignage unique sur l'art du tambour japonais traditionnel.
Le récit progresse au rythme des journées sans fin de l'apprentie, teinté d'une étrange poésie et d'un humour truculent. Le livre devient alors une sorte de partition, hommage au taïko, si méconnu en Europe.
Le Ballet des retardataires ne se lit pas, il se déguste comme un bonbon, succulent, coloré et piquant.
En août 1991, Tiziano Terzani navigue sur le fl euve Amour en Sibérie lorsqu'il apprend la nouvelle du coup d'État qui vient de renverser Gorbatchev à Moscou. Il se lance aussitôt dans un long périple qui le mène pendant plus de deux mois à travers la Sibérie, l'Asie centrale et le Caucase jusqu'à Moscou, la capitale de ce qui est en train de devenir la nouvelle Russie. Conçu à l'origine comme une exploration des confi ns orientaux de l'empire soviétique, ce voyage se transforme peu à peu en un voyage vers la fi n du monde et de l'époque soviétiques.
Cet ouvrage, constitue, 30 ans après la chute de l'URSS, un témoignage de première main sur l'une des transformations les plus radicales qu'ait connue cette partie du monde. Via une galerie de portraits hauts en couleur, la redécouverte de peuples oubliés et de minorités isolées ou un panorama de villes de légende où les vestiges du passé sont parfois balayés en quelques jours, Terzani compose l'oraison funèbre du communisme soviétique et un des grands récits de voyage à la Bruce Chatwin, Nicolas Bouvier ou Ryszard Kapuscinski.
Bonne nuit, Monsieur Lénine analyse non seulement les contradictions du communisme, mais aussi celles du capitalisme sauvage qui le remplace. De Samarcande à Boukhara, d'un souk poussiéreux à un kibboutz sibérien, Tiziano Terzani possède cette capacité unique de décrire la réalité pour ce qu'elle est, sans idéologie ni parti-pris. Avec lui on se passionne pour le sort des Ouzbeks, des Turkmènes, des Kirghizes, des Tadjiks ou des Arméniens. Avant beaucoup d'analystes, Terzani observe le réveil des nationalismes et de l'islamisme sur les cendres encore chaudes du colonialisme soviétique. Une immersion fascinante pour comprendre le passé et peut-être surtout entrevoir l'avenir géopolitique du territoire qu'on appelait autrefois l'URSS.
Depuis dix ans, les Athéniens et les Spartiates sont en guerre. La déesse Athéna, lasse de voir son peuple se battre, décide d'envoyer à Athènes Brémusa, redoutable amazone peu encline au dialogue, et Métris, nymphe dont le seul pouvoir est de faire apparaître où bon lui semble des marguerites et des boutons d'or. C'est donc ce duo improbable qui se voit chargé d'une mission capitale : faire en sorte que la conférence de paix qui doit se tenir à Athènes aboutisse à un succès.
La Paix, c'est justement la pièce que monte au même moment Aristophane, et il se pourrait bien qu'elle joue un rôle décisif dans l'accomplissement de la mission de Brémusa et Métris. Mais encore faudrait-il pour cela qu'il parvienne à la monter, car entre ses rivaux dramaturges qui monopolisent toute l'attention des citoyens, l'aspirant poète qui lui colle aux basques, l'incapacité de ses acteurs à retenir ne serait-ce qu'une réplique, et son propre mécène qui semble avoir été piqué par la mouche de la radinerie, Aristophane ne s'en sort pas.
D'autant que chez les généraux des deux camps, la paix semble loin de faire l'unanimité... Mêlant les mouvements d'humeur de dieux tatillons, les débats politiques qui rappellent furieusement ceux du xxie siècle et les coups bas dans les coulisses d'un théâtre, Martin Millar compose une farce spirituelle et fort à-propos sur une Grèce antique aux prises avec des maux qui sont aussi ceux de notre temps.
Ai Weiwei est un artiste contemporain polyvalent : sculpture, installation, photographie, performance et architecture sont quelquesuns de ses moyens d'expression. Il est également l'un des artistes les plus influents au monde et un réalisateur de documentaires engagé.
Son oeuvre toute entière alerte sur les attaques contre la démocratie et la liberté d'expression, les violations des droits de l'Homme et les déplacements de personnes.
Ce recueil de citations illustre l'éventail et la profondeur des réflexions d'Ai Weiwei sur notre humanité et sur les migrations de masse, questions qui l'occupent depuis des décennies. Les mots d'Ai Weiwei témoignent d'une urgence profonde. Ils témoignent aussi d'un rôle impérieux que peut avoir l'art pour donner une voix aux sans-voix.
Dimitris Sotakis est un écrivain de l'absurde proche. Proche car ses personnages ont souvent une logique à peine différente de celle de la plupart d'entre nous. En poussant le bouchon à peine plus loin du bord de la conscience, il entraîne ses personnages dans des labyrinthes qui sont autant de pièges que l'existence tend au citoyen d'aujourd'hui.
Dans chacun de ses romans, Sotakis crée un univers débordant de toutes sortes de réalités très concrètes, infimes, terre à terre, et il les développe, les amplifie, les grossit jusqu'à créer un état d'ivresse chez le lecteur semblable à la démesure qui caractérise ses héros. Un grand serviteur est à ce titre un livre remarquable sur la lutte de l'homme avec son moi et l'attribution consciente du bonheur à un « tu ».
Sous des allures de Mariage de Figaro à l'heure des réseaux sociaux, il constitue aussi une réflexion plus profonde qu'il n'y paraît sur la notion de pouvoir.
En 1976, à Hong Kong, Tiziano Terzani rencontre un devin qui le met en garde : « Ne prends surtout pas l'avion en 1993 ! » Seize années plus tard, le 31 décembre 1992, il décide de respecter la prophétie.
Pendant un an, il voyage en train, en bateau, en bus ou à dos d'éléphant, et redécouvre une Asie que le voyageur pressé ne connaît plus.
Cette année sans prendre les airs est le prétexte pour brosser l'un des tableaux les plus riches et les plus vivants jamais peints de l'Asie, de sa culture propre, de sa spiritualité et de ses peuples.
Avec lui, on suit la chasse aux esprits dans les ruelles de Bangkok, l'hystérie géomancienne des généraux birmans, les pelotons d'exécution des khmers rouges au Cambodge, et l'on découvre un continent aux prises avec ses propres démons.
Écartelée entre une modernisation à travers laquelle se dessinent les prémices de la mondialisation et des cultures ancestrales souvent garantes du lien social, c'est une zone du monde en pleine mutation où nous entraîne l'auteur.
Dans chaque pays visité, Terzani va aussi à la rencontre de nouveaux devins, une façon de jouer avec le prétexte même de son périple et de confronter la prédiction initiale aux dires de nouveaux prophètes, pas toujours très inspirés, mais c'est surtout une façon d'approcher comme personne avant lui la spiritualité propre à ce continent si fascinant.
Souvent comparé à Kapuscinski, à Bruce Chatwin ou à Nicolas Bouvier, Terzani signe ici un très grand livre.
Ces trois textes font partie d'un cycle de nouvelles dont le personnage récurrent est un chien.
Le chien, le maître ainsi que ses parents proches débute par une transgression lorsque Köntho met à la porte sa mère afin d'accueillir sa jeune épouse. Scandalisés, les anciens s'offusquent et le traitent de « chien ». Köntho rétorque qu'il est en effet la réincarnation d'une « chienne rouge ». Chacun se souvient alors d'événements traumatisants survenus une vingtaine d'année plus tôt : un cas de rage avait conduit les autorités à tuer tous les chiens. Un aller-retour entre les excès sanguinaires de la Révolution culturelle et ces minuscules péripéties constituent le fil du récit.
Journal de l'adoption d'un hapa tend vers le fantastique grotesque en mettant en scène un narrateur, petit fonctionnaire, et un pékinois doué de parole, le hapa. Ayant délaissé son précédent maître, ce chien est adopté par le narrateur qui l'emploie dans son service. Il manigance alors pour grimper dans la hiérarchie. La très fine description d'une société où les luttes de pouvoir, l'hypocrisie et la flagornerie sont omniprésentes donne toute sa saveur à ce récit.
Dans Le vieux chien s'est soûlé, le narrateur est un enfant dont la famille vit de l'élevage de moutons. Fils unique, il devra succéder au père, ce qui rend dispensable sa présence sur les bancs de l'école. Si l'intrigue est ténue (l'enfant veut sauver son chien), le texte oppose habilement les manipulations des adultes à la fraîcheur un peu rouée de l'enfant qui pointe les contradictions des grandes personnes et les travers d'une société où cupidité et impératif de « développement économique » n'épargnent rien ni personne.
On pourrait voir en Tagbumgyal un écrivain réaliste s'autorisant quelques touches de fantastique. Mais dans son univers, parler des chiens, c'est parler des hommes. De fait, il a un sens aigu de l'observation.
La narration est imagée, portée par une écriture cinématographique, des détails où perce son humour. Ni héros ni épopée ici, mais des sentiments étriqués, des situations ridicules, de petites lâchetés ou des trahisons ordinaires pour révéler les rouages néfastes d'une société où seuls l'exercice du pouvoir et les intérêts particuliers prévalent. Ces faits et gestes peuvent se mêler au cours de l'histoire, comme dans Le chien, le maître ainsi que ses parents proches, mais c'est pour mieux en souligner le caractère dérisoire. Car Tagbumgyal est avant tout un écrivain, non un idéologue. Sa subjectivité ne laisse dans l'ombre rien de la nature humaine ; sa critique de la religion est indulgente, son observation de la société malicieuse, et l'histoire tragique de son pays n'est évoquée qu'au moyen d'une distance ironique. C'est par cet art de l'ambiguïté que Tagbumgyal laisse toute liberté d'interprétation au lecteur.
Une Parisienne de 25 ans tombe amoureuse d'un très jeune Britannique au charme magnétique. Après une lune de miel enfiévrée, l'amant file à l'anglaise. Désespérée, la jeune femme s'obstine à croire à cette liaison qui lui crève le cÅ«ur. Nous sommes en 2006, sur Myspace les top friends font régner la terreur et Zizou va bientôt placer son coup de crâne légendaire. Combien de temps doit-on attendre avant de d'envoyer un texto à son ex ? Faut-il s'inquiéter si la photo d'une Suédoise apparaît sur le mur de son profil ? Obsessions, désir, jalousie, aveuglement et réseaux sociauxâ€- Avec Bulle de Savon, Sylvia Hansel nous guide dans les méandres du désamour passionnel. De l'évidence du premier jour à l'amertume de la rupture, ce récit porte un regard acéré et plein d'humour sur une relation destructrice.
Rico c'est l'Alain Delon marseillais, les dents en moins, la bedaine en plus. Quand il n'est pas occupé à refourguer son mauvais shit il se dispute avec son père et philosophe avec le rat qui crèche chez lui. Dans son appart amianté, Rico a le vague à l'âme : auditeur assidu de France Culture, cet ex playboy se dit qu'il est peut-être passé à côté du grand amour. Fournisseurs, créanciers et autres conseillers Pôle-Emploi aux trousses, notre Hell's Angel de la cloche enfourche sa pétrolette et met les voiles. Cap vers un Paris qui n'est plus celui de sa jeunesse mais où vit toujours la femme qu'il n'a jamais pu oublier. Hugues Serraf est un journaliste et écrivain basé à Marseille. La Vie, au fond, son cinquième roman, est une histoire drôle-amère pleine de tendresse désabusée et d'éclats de rire. On n'y capte pas la 4G mais on y croit encore au service public radiophonique tout en réparant de vieilles motos en panne dont les pots catalytiques filtrent à merveille l'air du temps.
Tout commence par une histoire d'amour vouée à l'échec avant même ses prémices. La relation passionnelle que partagent un peintre ukrainien et la narratrice constitue une métaphore de l'Ukraine du XXIe siècle. L'héroïne d'Explorations sur le terrain du sexe ukrainien nous raconte la chute de l'URSS et du modèle soviétique qui a donné naissance à l'Ukraine indépendante, mais qui a également laissé dans ce pays une fracture et un traumatisme encore béants. A travers ses tentatives d'émancipation, la narratrice cherche à comprendre la force d'une identité et l'importance de se détacher du passé. Ce travail de deuil ne renvoie pas seulement au fait d'être ukrainien, mais au fait de se retrouver à genoux sous le poids d'une culture allogène. Oksana Zaboujko, dans cette fiction partiellement autobiographique, fait vivre cette langue et cette culture qui flotte dans la « non-existence ».
Le corps d'une femme devient ainsi la métaphore d'un pays, de sa culture et de ses racines. Explorations sur le terrain du sexe ukrainien nous donne de précieuses clés pour comprendre ce que signifie être humain, dans toute sa poésie et sa conscience.