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Natalia Ginzburg
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Avant la guerre, tout allait bien sans qu'on le sache. Ippolito, Concettina, Giustino et Anna vivaient au rythme des lubies de leur père, persuadé de faire enrager Mussolini et les « crapules » fascistes en rédigeant ses mémoires. De l'autre côté de la rue, dans la maison de leur richissime père, Emanuele, Giuma et Amalia jouaient au tennis de table et composaient avec les migraines de leur « maman chérie ». Les deux fratries s'épiaient, s'apprivoisaient, liaient des amitiés aussi fortes que les liens du sang et pensaient entrevoir un avenir prometteur. Mais tout ça c'était avant. Avant d'être engloutis par les deuils, la noirceur du fascisme et le vacarme de la guerre. Avant que ces années-là ne deviennent « tous leurs hiers ».
Publié sept ans après la ?n de la guerre, Tous nos hiers dit toutes les souffrances et les désillusions d'une jeunesse tourmentée. -
Dans un bourg proche de Turin, durant les années 1940, celles de la guerre et de l'après-guerre, quelques familles de la bourgeoisie piémontaise partagent une vie paisible. Leur petite communauté assigne à chacun un rôle déterminé et des aspirations convenues. Tous « enterrent leurs pensées » pour laisser place à d'insigni?ants commentaires sur un quotidien étriqué et répétitif. Un environnement étouffant pour les plus jeunes parmi lesquels se trouve l'invisible Elsa. Celle-ci observe à distance les jérémiades de sa mère, les traumatismes de la guerre, les départs des uns et les mariages des autres. Étrangement absente de ces histoires familiales, elle sort soudain de l'ombre, révélant un visage jusque-là inconnu de son entourage, comme du lecteur.
Initialement paru en 1961, Les Voix du soir capte avec une grande ?nesse les bruissements d'une jeunesse qui cherche à se défaire des carcans de la société.
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La solitude de l'enfance et l'étonnement de la vieillesse, les livres lus et les films vus, le métier d'écrivain (« écrire était pour lui comme habiter la Terre »), la musique d'opéra (le titre est un vers du Lohengrin de Wagner), la famille, la société, la politique, le fait de croire ou ne pas croire en Dieu : les courts récits recueillis ici ressemblent aux pages de ce journal que l'autrice déclarait n'avoir jamais su tenir. Ils sont proches, en termes d'affinités thématiques et de finesse narrative, de ses chefs-d'oeuvre Les mots de la tribu et Les petites vertus qui, comme tous les livres de Natalia Ginzburg, tiennent à sa vocation de raconter des histoires vraies à partir de la sienne. Dans leur désinvolture, dans leur placide désordre quotidien ou leur inquiétante étrangeté, ces brefs essais-chroniques abordent des questions qui appartiennent à chacun d'entre nous. Autoportrait singulier d'une femme qui dans la vie a choisi d'écrire, Ne me demande jamais devient ainsi une expérience familière, un objet destiné à nous accompagner jour après jour.
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Publié en 1962, Le piccole virtù est un livre charnière dans l'oeuvre de Natalia Ginzburg. Connue pour ses romans, dans ce premier livre d'essais, Natalia Ginzburg - dont l'écriture est essentiellement attachée aux faits, aux gestes, aux voix et aux cadences - reste fidèle à elle-même : la recherche de l'essentiel est toujours concrète, toujours incarnée, les expériences morales prennent un sens physique - elle reste dans la narration qu'il s'agisse d'énoncer une pensée générale ou un jugement sur l'existence.
Les petites vertus, ces onze textes (dont l'année et le lieu d'écriture sont si importants) entre autobiographie et essai, donnent à voir et à entendre, voix, figures, et paysages du siècle passé, à sentir et à penser une manière de vivre et un être au monde qui font partie de notre histoire. Parmi les chapitres de cet ouvrage, il faut remarquer tout particulièrement "Portrait d'un ami" (Rome, 1957), qui est la plus belle chose qui ait été écrite sur Cesare Pavese.
Et aussi, les pages écrites immédiatement après la guerre, qui expriment avec une force brûlante le sens de l'expérience d'années terribles (en gardant, comme dans "Les souliers éculées" (Rome, 1945), un sens presque miraculeux du comique). Les souvenirs de l'exil, dans "Un hiver dans les Abruzzes" (Rome, 1944), côtoient les réflexions sur "Mon métier" (Turin, 1949). Enfin, dans "Silence" (Turin, 1951) et "Les petites vertus" (Londres, 1960), on trouve une Natalia Ginzburg moraliste dont la participation aiguë aux maux du siècle (passé) semble prendre naissance dans une sorte de empathie intime.
"Outre une leçon de vie, c'est une leçon de littérature que nous pouvons tirer de la simplicité de ces pages". Italo Calvino.
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Natalia Ginzburg raconte son enfance et son adolescence : un père fantasque et une mère plaintive, des amis promis à la gloire ; Turin, l'antifascisme, les arrestations, la guerre, la déportation, l'assassinat d'un mari aimé. Tandis que les parents parlent et résument le monde en quelques jugements lapidaires, les enfants découvrent la résistance de la vie qui leur oppose les énigmes meurtrissantes de l'amour, de la guerre, de la mort. Le comique des mots contraste avec le tragique des événements. On n'avait jamais raconté avec autant de finesse et de malice le malentendu qui sépare les générations. On n'avait jamais peint avec autant d'humour et de tendresse la difficulté des rapports humains.
Traduit de l'italien par Michèle Causse. -
Mais ma colère contre lui ne dure pas longtemps : il est la seule chose qui subsiste dans ma vie, de même que je suis la seule à subsister dans la sienne. La plume aiguisée, l'oeil impitoyable et non sans coeur, Natalia Ginzburg observe la petite musique quotidienne de nos failles et faiblesses. D'abord celles de Valentino, un jeune homme aux cheveux bouclés qui aime se sourire dans le miroir et fumer en peignoir. Sa famille, pétrie d'un espoir naïf, lui rêve un avenir brillant. À l'exception de sa soeur, dont le regard acide et tendre pourtant brosse le portrait d'un jeune homme inconséquent. Dans Au Sagittaire, ce sont les tourments d'une femme qui occupent le devant de la scène. Ceux d'un être que la lumière attire inlassablement et dont l'ambition entrave jusqu'à l'avenir de ses propres enfants. Ainsi, la fille raconte sa mère, une femme insatisfaite et zélée qui s'épuise dans des rêves de grandeur. «L'heure de lire Natalia Ginzburg est venue», écrit avec passion la romancière Geneviève Brisac. Plus qu'une préface, un plaidoyer en faveur de l'une des plus grandes romancières du XX? siècle : un esprit, une oeuvre à (re)connaître.
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Alors qu'un homme s'apprête à partir en voyage, son épouse lui tire une balle entre les deux yeux. Un geste sec et efficace, effectué avec une simplicité déconcertante.
La femme enfile alors son imperméable et sort marcher dans la ville.
Turin la grise dont les avenues muettes, humides et hivernales pèsent sur les épaules comme la confusion et le chagrin. Cette déambulation est bien sûr propice à l'introspection. L'épouse se souvient : la rencontre, l'attente et l'incertitude, puis la vie à deux jusqu'à cette matinée fatale. Une histoire banale dans laquelle chacun s'engouffre sans trop bien savoir pourquoi.
Ginzburg parle de l'éducation des filles dans les années 50, de leur ignorance subie et de leur imagination trop fertile qui fait hésiter entre la crédulité et la bêtise. Ici la jeune fille devenue femme, usée par ce mariage sans amour, par la tristesse et par la désillusion, trouve le salut dans cet acte dramatique et fatal.
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En Italie dans les années 40, Delia grandit entourée de ses trois frères et soeurs, et de Nini, le fils d'un cousin de son père. Dans la maison crasseuse et trop étroite, où le gramophone joue en boucle le même air entêtant, il n'y a que l'ennui et l'absence de désir. Seule la compagnie de Nini semble distraire la jeune femme. Mais quand le lecteur devine la naissance de l'amour, Delia, elle, est aveugle. Alors, pour tromper l'ennui ou pour s'inventer des rêves, elle empreinte chaque jour la route qui mène à la ville. Jusqu'à ce que le fils du médecin du village l'en détourne scellant à jamais son destin.
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Le plus obstinément combatif des livres de Natalia Ginzburg - son troisième et dernier recueil d'écrits de non- fiction (après Les petites vertus et Ne me demande jamais) il est paru en 1974 en Italie et resté inédit en français jusqu'aujourd'hui. Le texte qui clôt le volume, un mémorable exercice d'autobiographie, lui donne son titre : Vie imaginaire - qui tout de suite, de ce côté des Alpes, nous fait penser à Marcel Schwob que Ginzburg avait certainement lu. Mais ce titre, si pensif et nuancé, est aussi un titre à interpréter à l'envers : car, en effet, dans chacun des trente textes réunis dans ce volume par Natalia Ginzburg elle-même, l'autrice intervient avec la péremption hésitante qui rend sa voix unique, sur la vraie vie quotidienne d'un présent daté d'il y a tout juste un demi-siècle et qui retentit terriblement encore de nos jours. Devant des débats différemment complexes et semblables - mêmes questions, diverses options et points de vue - on se demande : qu'est-ce que sa prise de parole et son regard sur la société d'il y a 50 ans en disent sur la nôtre d'aujourd'hui ? C'est effrayant par moments, dérangeant souvent, intéressant toujours. Natalia Ginzburg raconte son Moravia, sa Morante, son Pavese...dit ce qui signifie pour elle le mot liberté et la ville de Rome... prend position, exprime et explique ses choix moraux, devant des dilemmes politiques tragiques qui s'imposent à chacun de nous.
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Lire natalia ginzburg, c'est entrer dans un monde oú le silence tient lieu de sentiment.
Jouant des rôles qu'ils semblent ne pas connaître, les héros de ces nouvelles cherchent à se dissimuler dans le mutisme, dans le retrait. un mari fade que l'absence momentanée de sa femme dérange un peu. un homme, sa femme, l'ami de ce premier, le mol amoureux de celle-ci, un enfant mélancolique. une mariée, trompée par son mari, pour lequel elle n'a aucun sentiment, qui meurt. la mère enfin, nouvelle-titre, qui n'aime pas vraiment ses enfants, qui n'est pas vraiment aimée d'eux.
Le registre de natalia ginzburg, c'est la vérité lasse et paisible des sentiments, exprimée dans une langue exceptionnelle de justesse et de concision.
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Lessico famigliare è il libro di Natalia Ginzburg che ha avuto maggiori e più duraturi riflessi nella critica e nei lettori. La chiave di questo romanzo è delineata già nel titolo. Famigliare, perché racconta la storia di una famiglia ebraica e antifascista, i Levi, a Torino tra gli anni Trenta e i Cinquanta del Novecento. E Lessico perché le strade della memoria passano attraverso il ricordo di frasi, modi di dire, espressioni gergali. Scrive la Ginzburg: "Noi siamo cinque fratelli. Abitiamo in città diverse, alcuni di noi stanno all'estero: e non ci scriviamo spesso. Quando c'incontriamo, possiamo essere, l'uno con l'altro, indifferenti, o distratti. Ma basta, fra noi, una parola. Basta una parola, una frase, una di quelle frasi antiche, sentite e ripetute infinite volte, nel tempo della nostra infanzia. Ci basta dire 'Non siamo venuti a Bergamo per fare campagna' o 'De cosa spussa l'acido cloridrico', per ritrovare a un tratto i nostri antichi rapporti, e la nostra infanzia e giovinezza, legata indissolubilmente a quelle frasi, a quelle parole".