« Je paie ma dette. Le petit garçon qui regardait est devenu l'homme qui se souvient. J'ai désormais atteint l'âge de mon grand-père lorsque je le côtoyais dans mon enfance. On croit parfois conquérir avant de comprendre que l'on retrouve. J'écris ici comme un être de la mémoire secondaire qui a vécu quelques étés d'avant dans un monde finissant. Sans ces fantômes, la main qui paraphe ne grifferait qu'une page blanche. Ces pauvres m'ont fait riche. J'ai le souci de ne pas décevoir leur digne passé. » A partir de la figure de son grand-père, Marc Lambron revisite une France perdue dans un texte bref qui a la densité d'un tombeau et la beauté d'une élégie.
Pierre Denis nait en 1902 à Imphy, sur les bords de la Loire, dans la grande campagne nivernaise. La région, à la pointe du manufacturage des aciers spéciaux, est un des fleurons de la métallurgie française (un pied de la Tour Eiffel y sera forgé...).
Orphelin de mère à 6 ans, placé dans la fermette de sa tante, alphabétisé à la communale, Pierre devient à 16 ans Compagnon du devoir, apprenti maçon et tailleur de pierre. A son retour de l'Algérie coloniale, il est embauché aux aciéries d'Imphy. C'est en 1929 qu'il épousera Léonie Lagarde, née quatre ans après lui à Imphy dans une famille nombreuse (6 frères et soeurs), vendeuse de vêtements, garde d'enfants et ménagère. De leur union naitra en 1931 la mère de l'auteur, Jacqueline, à laquelle ses mérites scolaires vaudront une bourse d'Etat pour aller étudier dans un collège à Nevers. Militant « rouge » en 1936 (« on a bien le temps de pâlir » disait-il...), Pierre sera Résistant dans la Nièvre pendant la deuxième guerre mondiale.
Les maisons, les moeurs, la subsistance en autarcie, la vêture, la pêche, le patois, la parentèle éloignée : « tout cela peut paraître aussi lointain que la description d'un shtetl dans la Pologne d'antan. Et pourtant j'ai encore connu ce monde ».
Un monde dont Jacqueline,« enfant du savoir », s'éloigne en devenant institutrice à Nevers et en faisant la connaissance de Paul, fringuant élève de l'Ecole militaire qu'elle rejoindra à Lyon. De leur union naîtra en février 1957 le petit Marc, quatre ans avant la mort de sa grand-mère Léonie et vingt ans avant celle de son grand-père Pierre.
En plein désert, un géologue rencontre la princesse Greta qui débarque sur terre et lui dit d'un ton farouche et impérieux: "Dessine-moi une chauve-souris!" La princesse Greta vit sur une minuscule planète, 100% bio où la ouche d'ozone est très pure. Mais des insectes menacent ses plants de quinoa et seule une chauvesouris peut les chasser de façon éco-responsable.
Mais avant d'arriver sur terre, Greta a fait escale sur différents astéroïdes : l'astéroïde Charlie (Chaplin) l'astéroïde Ernesto (Guevara), l'astéroïde Frank (Sinatra), l'astéroïde, Karl (Marx), l'astéroïde Nelson( Mandela), l'astéroïde Janis (Joplin), l'astéroïde Albert (Einstein).
A chaque fois s'établit un échange piquant sur l'esprit d'enfance, le capitalisme, la révolution, la violence, le rock, la méchanceté des hommes, la nature. Jusqu'au jour où la princesse rencontre un pangolin, animal hautement philosophique, menacé par la race humaine, qui lui enseigne le langage du coeur et de l'amour.
« C'était il y a cinq ans. En ce temps-là, on ignorait l'existence des Gilets jaunes et le futur virus qui partirait d'un marché chinois. Allant atteindre l'âge de soixante ans, j'avais décidé de tenir assidument un Journal, en écho à celui que j'avais rédigé deux décennies auparavant, publié sous le titre de Quarante ans. Le diariste est un scrutateur de l'aléa.
Une élection présidentielle se profilait en France, on pouvait supputer que la période serait animée. Cette stimulante sismographie, incluant aussi les agréments de la vie privée, en un temps où l'on pouvait chaque soir jouir des conversations et des spectacles, allait placer la période sous le signe de la surprise. Qui aurait pu imaginer le stupéfiant rodéo qui verrait la marche d'un prétendant encore trentenaire vers l'Elysée ?
C'était l'année chinoise du Coq de Feu. D'expérience, je savais qu'un Journal existe autant par le moment où il est écrit que par celui où il est publié. Le donne-t-on trop tôt, c'est presque une éphéméride. Tel un vin, il gagne à vieillir en fût : le temps est un excellent co-auteur, tant il ajoute de la perspective au révolu. Cinq ans seulement, 2017-2022, ont conféré à l'état du monde une allonge qui, en d'autres époques, eût requis plusieurs décennies. C'est pourquoi cette archive prend tout son sel, en contrepoint d'une nouvelle année électorale. » M.L.
Vingt ans après, quel miroir tend à notre époque le Journal d'un quadragénaire en 1997, devenu plus tard académicien ? Quels étaient alors les figures publiques, les événements privés, les bonheurs et les déboires d'un écrivain français ? Avec la patine du temps, on y trouve les portraits savoureux de personnages qui tournent toujours dans notre actualité, telles Woody Allen, Isabelle Huppert, Philippe Sollers, Frédéric Mitterrand ou Jean Paul Gaultier.
Cette année-là, Marc Lambron publiait son roman sur le régime de Vichy. En plein procès Papon, engagé dans la bataille des prix d'automne, l'ouvrage attire polémiques et passions. Au jour le jour, on découvre ici le témoignage d'un auteur jeté dans les jeux du cirque d'une rentrée littéraire. Au coeur intime de ce Journal enfin, loin des tumultes parisiens, il y a le dialogue poignant avec le père dans les derniers mois de son existence.
C'est un livre de deuil, un livre de vie. Quarante ans est le point de rencontre entre le bruit du monde et les plongées "dans la mémoire des survivants".
Le roman de la vie d'une aventurière américaine, née en 1907, tour à tour mannequin, actrice et photographe. Du Paris surréaliste au Londres de la bataille d'Angleterre, de l'Egypte de 1935 à l'Europe centrale, Lee Miller est devenue le témoin photographiant les combats de la Seconde Guerre mondiale. Prix Fémina, 1993.
L'écrivain s'interroge sur le roi de la pop, ses succès mondiaux, ses sources d'inspiration, ses failles, ou encore son adéquation avec les Etats-Unis de son temps.
Vichy, 1941. Un jeune diplomate rappelé de Madrid, Pierre Bordeaux, entre au cabinet du maréchal Pétain. Paris, 1990 : le "baron" gaulliste Pierre Bordeaux accepte de raconter sa période vichyssoise...
Non, il ne s'agit pas de passer aux aveux. Au reste, le Pierre Bordeaux de 1941 est plus attiré par la France Libre que par le maréchalisme et la collaboration. Mais dans cet "automne de la France", dans les hôtels rococos transformés en ministères, perdu entre les arrivistes et les lâches, les sous-entendus et les doubles jeux d'un monde où chacun se méfie de tous, il ne sait guère que devenir... Un regard croisé, celui de Carla, journaliste étrangère, sera son fil d'Ariane. Elle le mettra en contact avec la Résistance. Elle l'aimera ; il la sauvera.
Le romancier de L'Oeil du silence (prix Femina 1993) excelle à mêler personnages fictifs et personnages réels, à rendre présents et oppressants les décors et l'ambiance où se joue une comédie lugubre, à la fois dérisoire et menaçante, comique et criminelle. Rigoureux dans les détails et inspiré dans les portraits, il peint une fresque magistrale des années les plus sombres de notre histoire.
Le roman de la vie d'une aventurière américaine, née en 1907, tour à tour mannequin, actrice et photographe. Du Paris surréaliste au Londres de la bataille d'Angleterre, de l'Egypte de 1935 à l'Europe centrale, Lee Miller, est devenue le témoin photographiant les combats de la Seconde Guerre mondiale. Prix Fémina, 1993.
Depuis 1990, Marc Lambron raconte ses valses avec l'époque, dans des recueils de chroniques intitulés Carnet de bal. Voici le quatrième opus, couvrant la période 2011-2019. Selon un usage établi, le désormais académicien français rassemble en rubriques les textes que lui ont inspiré l'air du temps. Retour sur des existences légendaires, regards sur la vie littéraire, portraits ciselés, profils politiques, traversées de la mémoire picturale ou cinématographique. Qu'est-ce qu'un monde, sinon la pluralité d'aspects et d'événements qu'enregistre un oeil avisé, toujours à l'affût des grâces et des comédies contemporaines ? Dans ce quatrième opus, au fil d'une centaine de textes, l'auteur dit adieu à Claude Lanzmann ou Karl Lagerfeld, revient sur les légendes de la famille Kennedy, croque avec alacrité des profils de la vie politique française, de Nicolas Sarkozy à Frigide Barjot et de François Fillon à Emmanuel Macron, se livre à d'étonnantes variations sur le jazz, le cinéma de Hitchcock ou l'histoire d'un ami meurtrier. Ayant développé ces dernières années une nouvelle activité de critique d'art, il nous guide dans un musée imaginaire qui court de Rembrandt à Picasso. Héritier des Variétés de Valéry et des Mythologies de Roland Barthes, mais aussi du Nouveau journalisme américain, l'auteur des Menteurs livre avec ce Carnet de bal 4 le fascinant kaléidoscope d'une psyché pour laquelle la vie se justifie par un style.
Karine, Claire et Pierre ne se sont pas revus depuis leurs études en 1975 au lycée du Parc à Lyon. Les trois amis se retrouvent trente ans après, dans les jardins de l'Observatoire à Paris. Ils se sont aimés, ils se sont éloignés. Ils se sont endormis hippies, ils se sont réveillés yuppies. Claire, l'universitaire corsetée qui s'enflamme sur les campus, Karine, la papillonnante journaliste de mode, et Pierre, le normalien passé par les antichambres du pouvoir, racontent en récits intimes et croisés l'évolution d'une génération engagée puis désagrégée. Ce roman d'une époque dévoile les corruptions ordinaires du siècle. Désillusions, amours et mensonges sous Prozac colorent de noir et de rose la chronique de leur jeunesse évanouie. L'université et la presse, la mode et la politique, la télévision et le sexe, les jeux du sentiment et les masques de l'ambition : ces « gueules cassées de l'amour » disent aussi une guerre impitoyable. Marc Lambron, à la fois féroce pour son époque et tendre pour ses personnages, nostalgique mais lucide, nous entraîne dans la ronde : une danse sur les cendres du passé.
Le reporter Jacques Carrère rencontre deux femmes qui se ressemblent terriblement : Tina White, actrice à Rome en 1960, puis muse d'Andy Warhol à New York en 1966, et Kate, intellectuelle engagée au Vietnam en 1967. Ces trois personnages jouent leur vie dans l'intensité des sixties. Un roman lyrique par l'auteur de L'oeil du silence et de 1941.
Ce volume reprend le discours de réception à l'Académie française de Marc Lambron, prononcé le 14 avril 2016, suivi de la réponse de Monsieur Erik Orsenna.
Comme le veut la tradition, ces deux textes sont suivis du discours de remise de l'épée, prononcé par Jean d'Ormesson.
Comme tout le monde, Marc Lambron est intrigué par Ségolène Royal ou, plus exactement par ce que révèle la résistible ascension sondagière de cette créature en tailleur blanc et au sourire marmoréen. Que s'est-il donc passé, en France, pour que cette personnalité politique de « gaute » ? de « droiche » ? émerge, s'impose, massacre ses rivaux-éléphants, campe dans un imaginaire incertain (« travail, famille, matrie »), séduise par son « désir d'avenir » et devienne, qui sait ? le successeur élyséen du général de Gaulle et de François Mitterrand ? Bref : quelle fable nationale, et quel « roman des origines », est-on en train de lire à travers l'expansion de ce royalisme new-look ? Devant cette chimère idéologique, Marc Lambron s'interroge 1º) en romancier rompu au commerce des jeunes filles qui fréquentaient Sciences-po à la fin des annénes 1970 ; 2º) en spécialiste du « roman national » (tel qu'il l'a revisité dans son livre « 1941 ») ; 3º) en expert des métamorphoses politiques, intellectuelles et morales. Le tout donne un ouvrage crépitant, acide, brillantissime, avec dix formules étincelantes par page? Est-il « pro » ou « anti » Ségolène ? Franchement, telle n'est pas ici la question même si une certaine empathie est perceptible à l'endroit d'un ségolisme analysé comme « un virus de droite déréglant le logiciel de la gauche ». Beaucoup plus sévère à l'endroit de Jospin ou de Villepin, cette ballade au pays des idées françaises s'intéresse surtout à ce que la « Zapaterreur » révèle de notre société : son impatience moderniste et ses tétanies conservatrices ; sa nostalgie de « démocratie participative » avec ses archaïsmes autoritaires ; son esthétique « tupperware » et sa tentation mondialiste ; son « blairisme » spontané et poitevin? « Ségolène, observe-t-il, mélange la pensée providentielle et la république des professeurs, le pragmatisme scandinave et la béatitude charismatique ». C'est une sorte de « Fifi Brindacier avec forte tendance à la poigne ». Et si, au fond, la France avait, très précisément, envie de cela ?
Carnet de bal est un album de mélanges : le semainier d'un écrivain sarcastique, aigu, mélancolique. Il croque ses contemporains sur le vif, décolle quelques masques, part en maraude dans le passé.
Comment décrire un baiser en littérature ? Que s'est-il passé le 14 janvier 1991 sur le vol Air France 464 ? Pourquoi Roger Vailland aimait-il les orties ? M. d'Ormesson est-il modeste ? Quels sont les rapports entre Mickey Mouse et Oscar Wilde ? Qui était vraiment Lénine ? Repris à distance, effleurés en marge, voici des instantanés, des portraits d'époque.
Il n'est pas interdit de penser que l'on y traite également, et peut-être avant tout, de littérature.
Choix de chroniques parues entre 1981 et 1992 dans diverses revues, notamment Le Point, Carnet de bal esquisse les lignes d'un autoportrait indirect. Dictionnaire de préférences et d'allergies, ce carnet d'égotisme est avant tout une lettre adressée aux autres essentiels : quelques femmes, beaucoup d'écrivains.
A Paris, aujourd'hui. Nathalie et François ont trente ans, de l'argent, un passé de viveurs. Ils inventent des jeux, prennent l'un sur l'autre des paris amoureux. Un soir, Nathalie met François au défi de conquérir une belle inconnue : Sylvia. L'entreprise de séduction tourne étrangement : de Paris à New York, le jeu s'endiable, le libertinage ouvre sur les abimes de la passion. Un homme, deux femmes. La jalousie, les miroirs, la cruauté, jettent le trio dans la nuit des masques, où chacun devient pour l'autre une proie.
De la légèreté à la noirceur, cette comédie sensuelle, placée sous le signe de Lubitsch et de Laclos, est aussi le roman du déchirement amoureux, un apprentissage de la nuit.
Madrid, années quatre-vingt. Un jeune diplomate, lassé de Paris et de ses intrigues, cherche l'oubli. Dans une réception, il rencontre Anabel. L'amour est un piège où ils se jettent comme le taureau sur l'épée. Leurs petits jeux nocturnes les entraînent vers une Espagne insomniaque et rapide, dans la fièvre d'un été, le tumulte de la Movida. Ils inventent une passion à fleur de peau, dont le plaisir est la clef, dont la cruauté devient la loi.
Roman de hussard, cravaché au cuir andalou; portrait d'une internationale du plaisir, dans les derniers wagons de l'Europe romantique, L'Impromptu de Madrid marque aussi, par l'élégance de ses pointes, la naissance d'un style et d'un écrivain. Publié pour la première fois chez Flammarion en 1988, on redécouvre avec bonheur sa grâce, intacte. Une postface inédite de l'auteur évoque la sortie du livre, la fraîcheur, l'enthousiasme d'une époque déjà lointaine.
Marc Lambron est l'auteur chez Flammarion de L'Oeil du silence (1993, prix Femina) et chez Grasset de 1941 (1997), Etrangers dans la nuit (2001), et Les Menteurs (2004).
«Éblouissant», Daniel Rondeau, La Revue des Deux Mondes.
«Pour dissiper la tristesse de l'hiver, rien ne vaut cet élixir de l'insolence», Roland Jaccard, Le Monde.
«Irréprochable (...). Il ne loupe aucune marche, ne trébuche jamais», Jean-Baptiste Harang, Libération.
Qui n´est pas invité au bal de Marc Lambron ? Le chroniqueur le plus étincelant de Paris nous enchante avec ses carnets de bal où l´observation du monde le dispute à l´érudition.
Une foule se presse à l´entrée de ce bloc-notes : voici Kate Moss « dont la bouche imite le canapé Mae West dessiné par Dali », Andrée Putman, « un faux air de George Sand coiffée par Carita », Richard Avedon, « un écrivain dont la plume était la lumière », Michael Jackson, « même les enfants ont un jour 50 ans », et du passé surgissent Rubirosa, « le sextoy aux mille fortunes », Françoise Sagan, l´Irrégulière Romy Schneider, Louis Malle, Yves Saint Laurent, tant d´autres, des fêtes, des lieux, des larmes aussi, car beaucoup, qui figurent ici, nous ont quittés.
Un portrait de notre époque toute en strass.
1974-2004 : d'une décennie à l'autre, comme mise entre parenthèses, tient la vie d'un écrivain qui tisse de mystérieuses correspondances entre deux époques. En 1974, Marc Lambron a dix-sept ans. Elève de la Khâgne lyonnaise du lycée du Parc, il néglige les manuels de latin pour promener ses cheveux longs dans les caves où l'on danse sur les Rolling Stones. Une jeune fille éblouissante, Marianne, occupe ses pensées. Elle est « lyonnaise par le goût des chansons et des venelles, italienne pour les blasons, française selon sa voix ». Trente ans plus tard, au cours de l'automne 2004, les temps paraissent se brouiller. Lors d'une session musicale dans les mythiques studios londoniens d'Abbey Road, l'auteur côtoie en chair et en os les idoles de sa jeunesse rock'n roll, rassemblés en un étrange bal des vampires autour de Scotty Moore, l'ancien guitariste d'Elvis Presley. Au même moment, l'énigmatique Marianne réapparaît dans sa vie. Une saison peut-elle en cacher une autre ? Les mirages du présent font-ils revenir les fantômes du passé ? A-t-on jamais perdu ce que l'on a aimé ? Entre les brumes lyonnaises et le fog londonien, c'est le fil de Marianne qui va nous conduire à travers le labyrinthe d'un temps perdu. Marc Lambron donne ici à la première personne, en contrepoint de son oeuvre romanesque, une autobiographie singulière et collective, parce qu'elle éclaire autant les époques traversées que l'homme qui nous y sert de guide. Cette Saison sur la terre évoque à la fois la Nadja d'André Breton pour le hasard objectif, la Sylvia d'Emmanuel Berl pour le récit d'une adolescence rêveuse chauffée au brasier des femmes, Les Mots de Sartre pour la genèse d'une formation. C'est le livre d'un amour innocent qui revient toujours, une confession mélancolique où l'auteur des Menteurs tombe le masque.
« Mon frère Philippe est mort le 17 juillet 1995, un peu avant midi, dans une chambre de l'hôpital de Villejuif. Il aurait eu trente-quatre ans une semaine plus tard. C'est le seul frère que j'ai connu, le seul que j'aurai jamais. L'image de Philippe allant vers sa fin n'existe en moi que par la brûlure qu'il a entretenue pendant des années, et qui dure encore. Pour parler de lui, pour aller vers lui, je suis contraint de revenir aux zones qu'il a éclairées et calcinées. Si grand soit l'amour, si fort le passé partagé, mon frère, à partir d'un certain moment, ne m'a plus été sensible que par la blessure. C'est à cette aune que je mesure combien je l'ai connu, combien je l'ai méconnu. On peut retracer de l'extérieur la vie d'un autre ; mais le deuil ne renvoie qu'à soi, oblige à retrouver en soi le souvenir de ce qui fut. »
« La plupart des textes de Carnet de Bal, II ont été écrits pendant les années 90 du siècle précédent, avec une intention : puisqu'on allait tirer le rideau sur une époque, il fallait s'y promener une dernière fois, retrouver les généalogies, dire d'où l'on vient. Les romans que j'écrivais parallèlement, L'oeil du silence, 1941 et Etrangers dans la nuit ont tenté de s'inscrire eux aussi dans ce mouvement. Il me semblait qu'il fallait proclamer la durée contre les conjurations de l'amnésie, et dire le gai savoir des choses données. Qu'y faire si j'ai passionnément aimé le XXème siècle, ses mythologies, ses écrivains, ses femmes fatales, ses illusions lyriques, ses mensonges ? A travers portraits, chroniques littéraires, rencontres, j'arpentais ces décennies qui furent mon premier pays. Voici réunis dans un carnet de bal les pas de quelques danses. J'espère avoir travaillé comme je le devais : il faut aimer ce qui fut et affirmer ce qui vient. Le XXIème siècle est là. J'avance comme chacun vers un autre pays, une autre terre du temps. En arrivant aux frontières, je jette sur la table quelques papiers d'identité et sollicite une nouvelle valse. »
Il s'agit d'un petit livre étincelant, pétaradant, drôle, cruel, snob, subtilissime. Il n'est composé que d'un dialogue - mais quel dialogue ! - entre Jean-Louis Beaujour et Hélène Dumas. Qui est-il, lui ? Un très grand couturier, chimère de Karl Lagerfeld, de Galliano, de Marc Jacobs, d'Elbaz, d'Alexander Mac Queen. Qui est-elle, elle ? Une chroniqueuse de mode chic, très informée sur les coulisses du petit-grand monde de la fringue et du chiffon. Ensemble, avec des questions et des répliques sèches, ils vont traverser un univers d'apparence, de modes d'argent, de bon ou mauvais goût. Au passage, ces deux fins sociologues dresseront surtout un bilan de l'époque. Entre l'Etre et paraître, comment choisir ?
Tout, dans ce bref dialogue, pourrait être cité, tant l'esprit y crépite. On parle de la vanité des hommes, de la peur des femmes, des rides, de la silhouette, des préjugés, du charme,du « moderne », de la tradition. On pourrait redouter des propos de magazine, frivoles et sans portée, mais il n'en est rien : avec ce livre, Marc Lambron s'installe plutôt dans la lignée des grands moralistes. Tout s'y déploie dans la profondeur des surfaces, et l'on sort de ce dialogue plus pessimiste, plus joyeux, plus intelligent qu'en y entrant. Un feu d'artifices !
Marc Lambron nous a livré l'année dernière le premier volume de ses modernes " Mythologies " de sémillant sémiologue de la France politique contemporaine avec " Mignonne allons voir... " Un regard, un ton, un style : quand un vrai écrivain de talent s'empare de la chose politique, il a des choses à en dire qu'aucun journaliste spécialisé ne peut saisir ni exprimer. Eh bien, dansez maintenant... est le deuxième volet des " Mythologies " lambroniennes. Le premier était centré essentiellement sur Ségolène Royal, le second l'est surtout sur Nicolas Sarkozy, même s'il s'agit au fond toujours de la même interrogation sur les symptômes de la névrose obsessionnelle française.
Tressage fin de choses vues et de considérations lumineuses (notamment sur les " quatre piliers " du pouvoir sarkozien et toutes leurs combinatoires possibles), le livre balaie une période qui va du 5 avril 2004 (date d'un d'un " dîner de têtes " au Ministère des Finances) à fin mars 2008 (incluant le remaniement post-municipales), en passant par un étrange dîner de la Revue des Deux Mondes, un déjeuner en tête-à-tête entre l'auteur et Ségolène Royal après parution de son livre sur elle, des considérations sur l'état du PS, un dialogue imaginaire avec " Jean Evrard " de Neuilly sur Seine (ou comment éviter que le Neuf-Trois ne déborde sur le Neuf-Deux)...
Apollinaire désignait Venise comme le " sexe femelle de l'Europe ". Bien plus qu'un décor, bien plus qu'un fantasme, elle a semé le trouble dans l'imaginaire et l'érotique des écrivains comme jamais aucune autre ville. Avec son carnaval et ses jeux de masques, avec ses palais et ses maisons closes, avec l'incarnat de ses églises et le Styx de son Grand Canal, avec les vénus profanes du Titien et les frasques concupiscentes de Casanova, elle se situe aux frontières du réel et du fictif, de l'Éros et de Thanatos. Le topos même de l'érotisme.
De cette mythologie propre à la Cité des Doges, Lucien Clergue a tiré un scénario en images que Marc Lambron a traduit en mots. Ensemble, l'oeil et la voix, ils restituent la vision fugitive de deux femmes, l'une brune, l'autre blonde qui, lors d'une journée de 1979 où le soleil pénétrait brutalement par les fenêtres ouvertes, furent saisies par l'objectif dans toute leur beauté nue, presque tellurique.
Dans ce palazzo de la Renaissance baigné de clair-obscur, elles font fresque. " Qui sont-elles, sur fond noir, à l'instant du cliché ? Promeneuses solitaires dans Venise, ou bien l'ombre d'une vérité, le mystère d'avoir été là ? " Le narrateur les questionnent, elles se présentent : Amelia et Laura. Leurs corps offerts comme en un rite inconnu le renvoient à ses souvenirs de femmes rencontrées, désirées, aimées souvent, interdites parfois. Leur présence énigmatique, leurs bouches convoitées, leurs étreintes invoquées, s'adressent à son sang et à son désir. Apparues puis disparues comme un songe, elles deviennent son secret. L'écrivain signe alors la fable du monde, la ferveur d'un été, avant de s'effacer à son tour.